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Bail commercial : offre de renouvellement à des conditions différentes de celles du bail expiré
À l’expiration du bail commercial, le preneur a droit au renouvellement du contrat. C’est ce qu’on appelle la propriété commerciale : cela assure une certaine stabilité au locataire en lui permettant de bénéficier d’un nouveau contrat de bail. Le droit au renouvellement est l’une des spécificités du droit commercial et est d’ordre public, c’est dire que les contractants ne peuvent y déroger en prévoyant une disposition contraire dans leur accord. Mais aussi important soit-il, le droit au renouvellement ne peut pas être imposé au bailleur qui peut toujours refuser de renouveler le bail. Dans ce cas, le locataire a droit au paiement d’une indemnité d’éviction de la part du bailleur pour compenser le préjudice subi du fait du non-renouvellement du bail.
Le renouvellement peut être à l’initiative du bailleur ou du preneur. Soit le bailleur délivre un congé au locataire avec offre de renouvellement, soit le preneur adresse une demande de renouvellement du preneur, dans les six mois avant la date d’expiration du bail ou lors de sa prolongation. Lorsqu’il a lieu, le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat, en principe dans les mêmes conditions que le contrat expiré, et pour une durée de 9 ans sauf accord des parties pour une durée plus longue. La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet dans une importante décision rendue le 11 janvier 2024.
Dans cette affaire, un contrat de bail commercial pour usage de restaurant est conclu entre un propriétaire bailleur et un couple de locataires. Des années plus tard, le bailleur délivre un congé aux locataires accompagné d’une offre de renouvellement. Cette offre est faite à des conditions différentes de celle du bail expiré : elle est notamment subordonnée à la modification de la contenance des lieux loués et des obligations d’entretien à la charge des locataires. Les preneurs refusent le renouvellement. Ils quittent donc les lieux et demandent au bailleur le versement d’une indemnité d’occupation.
La question qui se pose dans cette affaire est celle de savoir si le congé avec offre de renouvellement adressé par le bailleur est valide en dépit du fait que l’offre de renouvellement est faite à des conditions différentes de celles du bail expiré. Le bailleur considère que oui : pour lui, le congé est bien assorti d’une offre de renouvellement et le refus des locataires ne leur permet pas de bénéficier d’une indemnité d’éviction. En revanche, les locataires estiment que le congé n’est pas valide. Pour eux, le bailleur ne leur a pas adressé un congé avec offre de reprise mais refuse de renouveler le bail. Dans ce cas, les locataires estiment avoir droit à une indemnité d’éviction.
Le juge tranche ce litige en faveur des locataires. Dans une décision rendue le 11 janvier 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère que les modifications proposées par le bailleur font obstacle à l’existence d’une offre de renouvellement. En effet, la Cour de cassation énonce que le renouvellement du bail commercial doit avoir lieu aux clauses et conditions du bail initialement conclu et expiré, à l’exception du pouvoir reconnu au juge à propos de la fixation du prix. En l’occurrence, les modifications proposées ne concernent pas le prix. Par conséquent, la Cour de cassation considère que le bailleur n’a pas formulé d’offre de reprise aux locataires. Le congé doit être considéré comme accompagné d’un refus de renouvellement. Les locataires peuvent donc bénéficier d’une indemnité d’éviction.
En conclusion, on retiendra de cette décision qu’un congé assorti d’une offre de renouvellement à des conditions différentes du bail expiré ne peut pas être considéré comme tel et doit être qualifié de refus de renouvellement.